Rêveries

Insiprations ... Expirations.

Trèves

Tic tac... Tic tac !

Des mots qui tentent d'aller plus loin...

A colorful mural on a wall depicting a giant hand typing on a red typewriter. Papers scatter from the typewriter, transforming into books flying through the air. The titles of several authors and works, such as Machado de Assis and Charles Bukowski, are visible. The mural is set against a vivid yellow wall with a dark blue section and scattered multicolored balls below.
A colorful mural on a wall depicting a giant hand typing on a red typewriter. Papers scatter from the typewriter, transforming into books flying through the air. The titles of several authors and works, such as Machado de Assis and Charles Bukowski, are visible. The mural is set against a vivid yellow wall with a dark blue section and scattered multicolored balls below.
A framed poster with an artistic depiction of a coffee maker, featuring bold colors. The text reads 'COFFEE IS AN IMMIGRANT'. Below the poster, there are several coffee bags displayed on a shelf, each with a vibrant orange label.
A framed poster with an artistic depiction of a coffee maker, featuring bold colors. The text reads 'COFFEE IS AN IMMIGRANT'. Below the poster, there are several coffee bags displayed on a shelf, each with a vibrant orange label.

Les circuits littéraires & artistiques

Je suis en train de lire avec un énorme kif, le livre de Jacques DE LA FORGE « TUNIS Port-de-Mer », édité en 1894. L’auteur avait été invité à Tunis afin d’assister à l’inauguration du Port de Tunis. Il avait quitté Paris par train, direction Marseille, ou il va embraquer sur un steamer, un vapeur du nom de « Ville de Naples ». Arrivé à Tunis, il sera logé chez Si Béchir Ben BECHR au 31 Rue Abdelwahab dans la médina à Tunis. Son hôte avait mis à sa disposition une calèche de type VICTORIA pour ses déplacements. C’est ainsi qu’il rendra visite au théâtre de marionnettes « Karagouz ». Il décrira dans le détail, l’ambiance surchauffée, le jeu des acteurs. Il ira même sous la tente des Ouled Nails, installée du côté de Gambetta. Six Ouled Nails venues de Biskra « pour étaler aux yeux des tunisiens et des étrangers leurs beautés vénales et leurs talents de société. » Une délicatesse dans la description de ces élégantes. Il profitera des manèges installés à proximité, des chevaux de bois, il jouera au « massacre des poupées » et à la « loterie en plein vent » dont on ne gagne jamais les lots. Il y avait « même un billard anglais, on pouvait partir avec une oie vivante. » Tout y est décrit à foison dans un style très agréable à lire. On prend plaisir à découvrir « la bataille des fleurs. » Chaque matin, il prend son petit déjeuner au Café restaurant « Angelvin ». Il assistera à une fantasia comme nulle part ailleurs :

"un millier de figurants 400 chevaux, une vingtaine de chars, trente ou quarante ânes, une dizaine de bœufs, 10 Chameaux, un éléphant en carton, monocycles, bicycles, tricycles; palanquins... 3 heures de spectacle, n'ayant plus de yeux pour admirer... de mains pour applaudir ce cortège superbe ou les scènes comiques se mêlaient sans disparate aux groupes historiques, allégoriques ou mythologiques."

- Et à l'auteur d'ajouter :

"Et je me disais avec une pointe de mélancolie : voilà 25 ans que j'habite Paris ou à peu près, et je n'ai jamais rien vu de pareil... Nous avons pourtant ce qu'il faut"

- "Que manque-t-il donc ?

- Rien et tout."

Et puis le grand jour va arriver : celui de l’inauguration du Port de Tunis. Les bateaux suivants étaient présents dans la rade du port. Il s’agissait de L’Hirondelle, l’Eugène PERREIR, le Félix TOUACHE, Le COULEUVRINE …

Je voyageais dans notre Tunis de 1894, au point de ressentir le besoin d’acquérir les cartes postales de ces 4 bateaux. J'avais envie de voir la frontière. J’ai même réussi à trouver des cartes représentant des calèches Victoria. C'est dire ! Si Ridha Ben Rzouga a aimablement partagé une photo actuelle de la maison de Si Béchir BEN BECHR. Cette maison est toujours debout. Ces fragments recueillis ici et là créaient déjà une magie ou le rêve est permis, celui de créer ou de recréer ces circuits littéraires. Une forme de tourisme de qualité… On viendra en Tunisie non pour bronzer seulement mais bien pour partir à la recherche d’images que des mots d’écrivains avaient dépeints …

Je vous propose de lire ce livre afin d’inventer une atmosphère, un circuit qui colle peu ou prou au livre de DE LA FORGE, un réverbère culturel qui n’a vu le jour nulle part ailleurs. On multipliera la création de circuits culturels et artistiques.

Gustave FLAUBERT nous attend déjà à SALAMMBO. Marcel TOURNIER est dans sa librairie en train d’écrire à MONTHERLANT afin de trouver le nom de sa future librairie. Ferdinand HUARD nous déclame sa poésie près de L’Ischkeul ou au pied du Palais de Ksar Said. Nos recherches, nos pistes, seront interactives et participatives. Ce soir, j’ai eu un très grand plaisir à discuter avec mon ami Alfa SOUIKA… On a parlé du livre de DE LA FORGE. Il a en sa possession une photo de la tente des Ouled Nails qui date de 1894 ! Et qui est dans le livre de DE LA FORGE !

Décidément les objets sont reliés entre eux par un filin invisible. Il me fait l’amitié de partager avec vous une superbe photo fort rare, celle de l’inauguration du Port de Tunis…

Le temps est une boule qu’on malaxe, un pain qu'on pétrit. Les mots sont des flacons grisés... Des flocons qui flottent, s'élèvent, tournoient en apesanteur.

Je me disais avec une pointe d'enchantement :

- Qu'avons-nous donc ?

- Tout !

...Même le manuscrit de l'auteur !

Itinéraire de l'écrivain Jacques DE LA FORGE (1894) - Tunis Port de Mer

Le couscous de 1858.

Pourquoi aller si loin à la recherche d’une saveur qui émane d'un livre ? La curiosité sans doute… Ou bien est ce ce besoin de continuer le voyage, de le distendre afin d'être transporté au delà des mots qui titillaient déjà les yeux ?

Les cinq sens sont en éveil... un sens en appelle un autre. C'est ainsi que l'émoi s'installe...pour faire feu de tout bois !

DUNANT détaille dans son livre paru en 1858, la recette d’un couscous qu'il tient d'un des cuisiniers du Bey. Pour une fois, nous étions tous assis à la même table en train de festoyer. Je confrontais ces étapes de préparations de 1858 au couscous que je cuisinais habituellement. Je cherchais une épice ignorée, un improbable légume disparu, une vitelotte bleue des montagnes. J'étais à l'affût d'un palier méconnu que le temps aurait enjambé dans les raccourcis de nos vies actuelles. Sa recette était suivie par un « Massfouf » blanc très recherché à l’époque. Il était cuit au bain marie à quatre reprises. On y ajoutait des clous de girofle, des raisins Muscat de Corinthe, des pistaches, de la cannelle, du sucre blanc pilé … Le tout était arrosé d'une régalade de fleur d’oranger. Dès cuisson, on décorait ce plat d’une façon symétrique : des rangées de pistaches bien ordonnées, des grains de grenade… Les couleurs se détachaient dans une communion proche d'un tableau : vert vermillon et rouge carmin mélangés à un tapis fait d'ocre et d'ambre. Les graines rondes, millimétriques sont émaillées de clous noirs, clairsemées par la chair humide des raisins. L’esthétique rejoignait harmonieusement un nuage gracile de senteurs, un fumet troublant qui quittait la rectitude des écorces décoratives du plat chaud pour s'élever en hauteur.

Les exhalations tortillantes tendaient le cou... Des collets qui n'en finissaient pas de grandir... de danser... de frétiller...

Avant de déguster ce Massfouf, il est d’usage de le précéder par une entrée composée d’une salade qui m’était totalement étrangère : un mélange de petits morceaux d’oranges agrémentés d’huile d’olive. Du sel et du poivre en assaisonnement ! Un sucré salé étonnant, inhabituel...Contradictoire. Les papilles salivent tel un métronome de Pavlov, la bouche est humectée. On déglutit déjà à la lecture de cette recette simple. Le cerveau est en affaire, en ébullition, il est en train de cuisiner. Il épluche une belle orange de nos montagnes en plantant fermement un pouce piocheur dans le flavédo. Des étincelles piquantes et odorantes sont immédiatement projetées en bouquets. Nervures et venaisons blanches apparaissent en dessous du péricarpe qui contient difficilement une chair prise en otage. La pulpe charnue est orange, difforme et obèse. Elle pleure en s'ouvrant et laisse filer quelques gouttes qu'un second filet d'huile console pour en adoucir les larmes. Les sucs s'unissent dans un mélange suave et onctueux.

Le dessert ? Des dattes dans lesquelles on a remplacé le noyau par une pistache, des côtés de noix ou encore des conserves à l’essence de rose et de jasmin.

Il me faut reconstituer ce Massfouf et cette salade d'orange au plus vite !

Les circuits littéraires & artistiques

Itinéraire de l'écrivain Henry DUNANT. (Notice sur la Régence de Tunis)

Nous sommes en 1933. Le libraire Marcel TOURNIER inaugure sa librairie à Tunis.
Il contacte plusieurs écrivains et leur demande de définir la Tunisie en un seul mot…ou presque.
Henry de Montherlant rédigera un court texte intitulé « la rose de sable » et l’envoie à M. TOURNIER.


C’est le nom que choisira le Libraire pour sa librairie qui se trouvait 10 Avenue de France. Quant à l’annexe, elle se situait au 3 Rue de Bône à Tunis.


Henry DE MONTHERLANT écrira un peu plus tard, un livre intitulé également « la rose de sable » dont voici un court résumé :
«Le lieutenant Auligny est un jeune officier d’une intelligence moyenne, élevé dans des idées excellentes mais très étroites. L’an 1931, en garnison en France, sa mère, fille de général, le fait affecter au Maroc, pour qu’il y gagne du galon ou la croix.
Auligny s’intéresse peu, d’abord, à la chose nord-africaine. Mais il se lie avec une jeune Bédouine, dont peu à peu il s’éprend, et alors tout change.
Ce garçon sans envergure est un homme très droit, très juste, très délicat, très, trop sensible.
Auligny amoureux se met à « penser » la question coloniale, ou plutôt, à la sentir : à la sentir à travers celle qu’il aime.
Plus il la sent, plus il lui apparaît que les indigènes ont raison en défendant leur sol. Le jour où on annonce le baroud qui peut lui valoir la croix, il se fait porter malade : il ne veut pas se battre contre les « Arabes ».


Ce qu’il advient par la suite, et de lui, et de sa maîtresse, on le verra si on lit le livre.»
Livre à découvrir.

Chawki Dachraoui
28 Octobre 2017.

1933 – La Librairie TOURNIER. La rose de sable.